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Rallumer les étoiles

30 décembre 2024

# 477 Les Volcaniques, Simon Berger

Emma participe depuis l'an dernier au tutorat d'excellence Louis Germain et elle a un professeur de français passionnant: elle revient de ses cours comme galvanisée. Elle me racontait toujours des anecdotes linguistiques ou de sémantiques marquantes (d'où vient le mot barbecue?) et elle riait de la répartie de ce professeur qui est en plus écrivain. Elle a donc voulu acquérir son dernier livre, je l'ai commandé en me disant que ça intéresserait toujours quelqu'un étant donné que la thématique concernait l'Auvergne : ma Maman est née en Haute-Loire où vit encore une partie de ma famille maternelle.

Dès les premières lignes, malgré la brièveté du récit (127 pages) je me suis dit que ça n'allait pas être aussi simple… J'ai trouvé la solution pour entrer dans ce texte très érudit: le lire à voix haute à Emma (cela laisse le temps à mon cerveau de comprendre et d'interpréter ce que je lis et d'en restituer le sens avec l'intonation appropriée). Une fois cette complexité linguistique dépassée, après le premier chapitre nous avions toutes les deux envie d'aller visiter la cathédrale de Clermont qui introduit la flânerie auvergnate de Simon Berger. Il entremêle son introspection intime et familiale et son chemin vers la foi à la découverte des panoramas.

L'histoire, l'architecture, la géologie et la géographie de l'auvergne, ses réflexions sur la beauté des lieux (et les aberrations esthétiques du monde moderne) m'ont séduite, mais je dois dire que c'est avant tout l'exercice littéraire et la précision terminologique qui m'a captivée. J'ai retrouvé mes réflexes de jeune lectrice, quand je décortiquais la structure des phrases et le vocabulaire : j'ai noté une vingtaine de mots dont j'ignorais la signification, mon préféré étant "onomastique" (l'étude des noms propres). Alors oui, parfois l'exercice de style prend le dessus sur la narration et c'est une lecture exigeante intellectuellement parlant, mais comme tout ce qui demande de l'effort on referme le livre avec la satisfaction d'avoir gravi un volcan.

Je parle aujourd'hui des Volcaniques en espérant en cette période de bonnes résolutions vous transmettre l'envie de vous dépasser littérairement parlant tout en donnant en plus un peu de visibilité à ce jeune professeur qui transmet avec autant d'enthousiasme son amour du français.

PS: je ne suis pas la seule à avoir été scotchée par cette écriture, mon oncle altiligérien s'est plongé dans le premier chapitre avec un certain délice. 

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26 décembre 2024

# 476 Les saisons, Maurice Pons

La première fois que je suis allée à la librairie la Pêche à la ligne, des deux libraires, seul Gary était présent. Lorsque je lui ai demandé quel livre il me conseillait, il m'a tout de suite précisé qu'il était plutôt porté sur la littérature américaine et qu'actuellement il lisait surtout sur des essais sur celle-ci et qu'il ne faisait pas la promotion de la rentrée littéraire car beaucoup de romans ne valaient pas les classiques ou en étaient de pales répliques.

Curieuse, je l'écoute me décrire les deux classiques qu'il affectionne particulièrement et je choisis de repartir avec Les saisons de Maurice Pons (je ne me souviens pas de l'autre titre évoqué, mais cela me fait une bonne excuse pour y retourner).

C'est le livre le plus glauque que j'ai lu depuis longtemps, provoquant parfois une réaction nauséeuse. Un étranger arrive dans un village étrange, vivant sous un climat où s'alternent 16 mois de pluie diluvienne et 40 mois de gel extrême. Dans ces conditions dantesque, il décide de s'y installer pour écrire le roman qui fera de lui un écrivain et découvre les mœurs locales très particulières. 

C'est un conte dystopique qui donne à voir le pire des relations humaines: le récit me hante encore plusieurs semaines après avoir tourné la dernière page, c'est une lecture très sombre et pourtant je la recommande car j'ai été complètement fascinée par l'imagination de l'auteur, le burlesque et le cynisme des situations.

 

23 décembre 2024

# 475 Jacaranda, Gaël Faye

Encore un très joli cadeau : Jacaranda de Gaël Faye.

J'ai d'abord découvert l'auteur avec son roman Petit Pays, puis le chanteur en allant l'écouter au Plan il y a trois ans. Un de mes meilleurs concerts!

J'apprécie beaucoup l'univers littéraire et musical de cet artiste.

Dans Jacaranda, Gaël Faye nous fait traverser 20 ans d'histoire du Rwanda et des mutations de sa capitale Kigali. C'est aussi le roman des héritages intimes, les références autobiographiques affleurent avec beaucoup de pudeur ce qui rend le récit à la fois sensible et universel.

Je recommande sans réserve cette lecture qui réussit l'exploit d'expliquer le traumatisme collectif et de me donner envie d'aller dans ce pays.

17 décembre 2024

# 475 Le rêve du jaguar, Miguel Bonnefoy

Quand mes parents m'ont demandé ce que je voulais pour mon anniversaire, j'ai répondu (entre autre) Le rêve du jaguar. Sans avoir encore tout lu de lui, j'attendais avec impatience la sortie de son dernier roman. Encore une fois, je suis sous le charme de son érudition et de sa facilité à restituer une atmosphère flamboyante, avec parfois un peu d'exagération mais c'est ce qui donne un aspect à la fois burlesque et poétique à ses récits. Si vous êtes adepte de la sobriété, passez votre chemin, en revanche si vous avez besoin de mettre des couleurs dans votre vie, ne vous privez pas de cette lecture!

Construit sur la même trame qu'Héritage, Le rêve du jaguar traverse les destins de trois générations et retrace l'histoire du Venezuela. La force du récit, au-delà du style, réside dans les différents niveaux de lecture proposés: la profondeur intime de chaque personnage, la transmission et les ruptures générationnelles la profondeur des personnages, et les évènements historiques: en fonction de sa sensibilité, on y trouvera certainement un attrait différent. Pour ma part, j'aime la façon dont il saisit les personnalités, elles semblent se débattre contre leur propres contradictions, avec l'héritage familial et la situation politique. 

Et puis encore une fois, j'ai eu l'impression de partir en voyage et ça, ça n'a pas de prix quand mes journées semblent se dissoudre dans les transports, la grisaille du ciel et la désolation esthétique des tours de banlieue.

6 décembre 2024

# 474 Bienvenue à la Librairie Hyunam, Hwang Bo-Reum, Trad. Shannah Tan

Je dis souvent que je crains la routine et pourtant j'adore les petits rituels qui se mettent spontanément en place entre nous. Il en est un que j'affectionne particulièrement: quand nous visitons une librairie, il me laisse discuter avec le propriétaire et explorer le lieu, je peux y passer beaucoup de temps mais il ne me presse jamais. Il déambule de son côté et j'ai mis beaucoup de temps avant de m'apercevoir qu'il se présentait à la caisse avec un livre pour moi. Selon l'humeur du jour et le titre, j'ai droit à un roman de Tesson (Vérification de la porte opposée) ou un recueil de poésie (l'OVNI Le Déversoir d'Arthur Teboul).

Lors d'un séjour à Nice, nous sommes passés à la nouvelle librairie Le Vestiaire à MoT : j'avais entendu à la radio une rapide interview de son fondateur et le concept de Librairie sportive m'intriguait. Nous avons passé un long moment dans cet endroit que je vous recommande autant pour la sélection pointue que pour la convivialité de Marc-Olivier.

Cette fois-ci mon cadeau était un livre mis en avant par le libraire mais sans lien avec le sport : Bienvenue à la librairie Hyunam, premier roman de la coréenne Hwang Bo-Reum dont je n'avais jamais entendu parler et que je n'avais même pas vu sur le présentoir malgré sa couverture bleu roi.

 

J'ai souvent du mal avec le style asiatique, sans réussi à identifier s'il s'agit d'un problème de traduction, de structure de la langue ou de culture. J'ai par exemple détesté 1

Q84.

Cette fois-ci je me suis laissée totalement embarquer dans cette histoire où il ne se passe pourtant pas grand-chose : Yeong-ju se libère du carcan normatif pour ouvrir une librairie à Séoul et le lieu devient le carrefour des rencontres des habitants du quartier. J'ai été touchée par certains paragraphes qui résonnaient personnellement mais aussi avec mes échanges avec mon amie qui traverse une période difficile. Je crois que les mots parfois apaisent les tempêtes de notre âme et consolent nos chagrins. Je me suis aussi véritablement évadée, immergée dans un pays inconnu, palliatif de cet ailleurs qui me manque en ce moment. 

Peut-être aussi que j'ai aimé ce livre parce que justement il est entre nous un de ces liens invisibles.

 

 

 

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5 décembre 2024

# 473 Sous le règne de Bone, Russell Banks, Trad. Pierre Furlan

Pour son anniversaire, mon ami Quentin a offert à Emma Sous le règne de Bone de Russel Banks, un livre qui l'a marqué adolescent. Pour l'instant Emma n'en a lu que quelques pages, ma mère et moi lui avons emprunté et je pense que nous partageons le même avis.

Pour ma part en tous cas, je l'ai lu très facilement malgré sa densité. A travers le passage à l'adolescence de Chappy qui cumule le fait d'avoir grandi dans une famille dysfonctionnelle et l'art de faire des mauvaises rencontres, Russell Banks nous entraîne dans un roman d'apprentissage jalonné d'éléments autobiographiques comme la recherche d'une figure paternelle, le goût pour l'échappée et l'analyse de la désillusion. On s'attache rapidement au narrateur, son ton naïf tranche avec sa clairvoyance et à travers ce gamin débrouillard, la société américaine et la violence de son déterminisme social nous apparaissent dans un tableau sombre mais jamais dénué d'espoir.

Si vous aimez la littérature américaine sociale, foncez! 

 

 

18 novembre 2024

# 472 Mémoires sauvées de l'eau

Pour mon anniversaire, Emma m'a offert Mémoires sauvées de l'eau de Nina Léger. Je partais avec un a priori positif: le titre fait écho au roman de Brautigan que j'ai beaucoup aimé, mais surtout ce livre lui a été recommandé par mon ami libraire Philippe.

Il est toujours difficile d'écrire un avis mitigé: je ne veux pas vous rebuter et en même temps, même quand il s'agit d'un cadeau, je préfère être honnête.
Ce roman entremêle plusieurs temporalités. Il y a le récit passionnant de l'histoire de la Californie, de la ruée vers l'or aux incendies géants d'aujourd'hui qui n'est pas sans rappeler l'analyse de l'admirable essai Effondrement de Jared Diamond: comment une civilisation qui avait tout pour se développer a méthodiquement détruit ses richesses naturelles. Pour ces chapitres l'autrice a choisi une mise en page mystérieuse à base d'alinea inversés et de phrases coupées. Doit-on y voir le symbole d'un compte à rebours ou des fractures violentes? Je n'en ai pas compris l'intérêt et j'ai même été gênée dans ma lecture d'autant que je ne cessais de me questionner sur son interprétation*... 
Ces chapitres historiques sont entrecoupés d'une autre narration censée être le fil directeur du roman: une jeune femme, Théa, enquête sur ce territoire et y mêle les histoires personnelles (et fictives) de sa grand-mère et de sa colocataire avec la présence de personnages réels que l'on retrouve dans la partie historique... Je vous passe les détails, vous entrevoyez la complexité narrative et malheureusement pour moi cela n'a pas du tout fonctionné: la partie inventée est ratée. Les échanges avec sa grand-mère sonnent particulièrement faux notamment de par la forme choisie de la retranscription de messages vocaux, les rapports amicaux sans intérêt et le tout est encore alourdi par une datation en début de chaque chapitre qui nous oblige à une énième gymnastique temporelle...
Il reste un point très positif à ce roman: les descriptions des paysages nous donnent envie d'aller voir les rives de la Feather.
* J'ai posé la question à plusieurs libraires et même à l'autrice via instagram mais à ce jour, je n'ai pas de réponse. Si des lecteurs ont une analyse à proposer, manifestez-vous s'il vous plaît!
 
5 novembre 2024

#471 Mille soleils splendides, Khaled Hosseini

Pour l'anniversaire d'Emma, j'ai suggéré à mon père de lui offrir un livre conseillé par Dua Lipa, une artiste qu'elle apprécie, dans son blog lecture assez éclectique (Service95). Pour l'instant je n'arrive pas à lui donner le goût de mes classiques préférés et j'ai trouvé que c'était une bonne idée pour diversifier ses lectures et l'inciter à lire des fictions qui sortent de ses habitudes.
Elle l'a lu pendant ses vacances d'été, puis l'a prêté à ma mère avant de me le conseiller, de sorte que l'on peut vraiment dire que c'est une lecture intergénérationnelle! Nous avons toutes les trois aimé ce roman, je laisse ma maman et ma fille s'exprimer sur leur ressenti. 
Plusieurs semaines après sa lecture, ce qu'il m'en reste c'est une saga familiale entrainante portée par une écriture qui allie avec aisance les styles fictionnel et historique. Comme dans son roman Les cerfs volants de Kaboul, on parcourt 50 ans de l'Histoire afghane sans pour autant se sentir pris à parti car Khaled Hosseini possède ce sens de la nuance qui nous manque en ces temps de simplification qu'exige le zapping médiatico-géopolitique permanent.

28 août 2024

# 470 L'abolition des privilèges, Bertrand Guillot


J'ai profité d'une visite à la librairie Millepages où je devais acheter un guide touristique pour faire un tour du côté des romans. Motivée par ma lecture du Discours sur le bonheur, je me suis dirigée vers la section "Histoire" et sur le présentoir un livre de poche attire mon regard : le titre d'abord "L'abolition des privilèges" puis la présence d'une note élogieuse rédigée par un des libraires. Je repars avec.
Je suis dithyrambique sur ce roman historique et je ne comprends pas qu'il ait eu une si faible exposition médiatique. Dès les premiers chapitres, Bertrand Guillot trouve le ton juste pour décrire la nuit du 4 août. Les touches d'humour et les mises en situation apportent de la légèreté et facilitent la compréhension d'une analyse par ailleurs très documentée et précise. Ensuite, l'étude du "comment en est-on arrivé à cette situation" permet à l'auteur d'esquisser des rapprochements avec la situation politique et sociale actuelle sans jamais verser dans l'anachronisme. 
C'est une lecture à la fois réjouissante et érudite qui nous invite à une réflexion sur les privilèges que chaque société produit immanquablement et qui nous met en garde sur le risque, en tant que bénéficiaire de ces privilèges, à ne pas se remettre en question et à fuir le débat de l'équité.

J'ai réalisé après cette lecture qu'il y avait eu une pièce de théâtre éponyme jouée à Paris, puis au Festival d'Avignon et désormais en tournée en France : si vous l'avez vue, je suis preneuse de vos retours!

14 août 2024

# 469 Trust, Hernan Diaz, Trad. Nicolas Richard

Je ne sais plus comment je suis tombée sur Trust d'Hernan Diaz: je cherchais un roman américain et alors que j'hésitais avec Pleurer au supermarché, la lecture des premières pages de celui-ci ne m'a pas convaincue malgré les critiques élogieuses de toutes parts (si vous l'avez lu, je suis preneuse de votre avis!).
Le résumé suffit à me décider à acheter Trust et en me rendant à la librairie Millepages toute proche de mon travail, une des libraires me signale que l'auteur sera présent fin septembre lors du festival America auquel est associé la librairie.
Dès les premiers paragraphes, je suis happée par le destin de ce financier des années 1920 à New York. L'originalité de ce roman tient au fait qu'il est construit en quatre parties, chacune étant une voix narrative différente pour raconter la même histoire et j'étais curieuse de voir comment l'auteur s'en sortait pour éviter les redondances. 
Ce n'est pas pour rien qu'il a remporté le prix Pulitzer 2023 ainsi que l'enthousiasme de Barack Obama : la construction narrative est brillante et crédibilisée par l'emploi de d'un style propre à chaque protagonistes (roman fictionnel, mémoires, recomposition historique, journal intime), le sujet passionnant (bien que l'action se situe un siècle plutôt, le parallèle avec l'actualité est saisissant), les différentes versions alimentent une forme de suspense avec une chute très maîtrisée. Et en double lecture, tapie derrière ces quatre voix, une invitation à réfléchir à la "vérité" (la bonne idée de ne pas avoir traduit le titre qui fait référence à la fois à la société capitaliste et à la notion de confiance).
Foncez, cette lecture est addictive.

 

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