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Rallumer les étoiles
2 octobre 2011

#36, Limonov, Emmanuel Carrère

S'il y a une routine que j'aime reproduire chaque année, c'est bien celle de parier avec mon Papa sur le prochain prix Goncourt, souvent de manière très subjective car je ne lis pas le quart de la sélection, et lui non plus! Avant de commencer Limonov, je voyais bien Carrère gagner, je l'apprécie beaucoup et les critiques sont encore une fois très positives.

limonov

Limonov retrace le parcours d'Edouard, un loser parfait, excentrique et ambitieux. Son destin l'emmène notamment de la Russie aux USA, de la France à la Serbie, sans autre objectif que celui d'être enfin reconnu à sa juste valeur. Tour à tour sympathique ou détestable, Edouard est un personnage excessif laissant peu de place à la nuance. Pourtant l'auteur interpelle régulièrement ses lecteurs et souligne la complexité que recelle chaque être humain, et pas seulement son héros.  

Limonov est bien plus qu'une simple biographie, et nous voilà traversant l'histoire contemporaine de la Russie. C'est passionnant, grâce au talent et à la pédagogie de l'auteur - on présume ici l'influence de sa mère, la célèbre historienne Hèlène Carrère d'Encausse.

Enfin, comme dans chacun de ses livres, il y a une histoire dans l'histoire, une sorte de mise en abyme. Sa propre éducation, ses valeurs, son parcours si différent de celui d'Edouard au cours de ce demi-siècle. Et puis toujours, des doutes partagés avec le lecteur, son effort d'objectivité jamais récompensé, l'ambiguité des sentiments que fait naître chez lui le personnage de Limonov, et en filigrane, la question qui personnellement m'intrigue toujours quand je lis un bon livre: qu'est ce qui a poussé l'auteur à écrire ce récit, était-ce évident ou ardu?

La seconde anecdote, moins charmante, c'est Raïa qui la raconte. Elle est sortie en ville avec son bébé sur le dos quand commence un bombardementde la Luftwaffe. Elle trouve refuge dans une cave avec une dizaine de citadins, certains terrorisés, d'autres apathiques. Le sol et les murs tremblent, on essaie, à l'oreille, de déterminer à quelle distance tombent les bombes et quels bâtiments elles détruisent. Le petit Edouard se met à pleurer, attirant l'attention puis la colère d'un type qui, d'une voix sifflante, explique que les Fritz ont des techniques ultramodernes pour repérer les cibles vivantes, qu'ils se guident aux sons les plus ténus et que les pleurs du bébé vont tous les faire tuer. Il excite si bien les autres qu'ils jettent Raïa dehors et qu'elle en est réduite à chercher un autre abri, sous le bombardement. Folle de rage, elle se dit et dit à son bébé que tout ce qu'on pourra lui raconter sur l'entraide, la solidarité, la fraternité, c'est de la blague. "La vérité, ne l'oublie jamais, petit Editchka, c'est que les hommes sont des lâches, des salauds, et qu'ils te tueront si tu ne te tiens pas prêt à frapper le premier."

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Commentaires
A
Absolument, le voyage en Russie est né de cette lecture, même si j'y pensais de temps en temps avant. Coup de chance, entre ce roman et les vacances, Moscou a été l'"invitée" du Salon du livre de Paris. Nous avons notamment assisté à une conférence surréaliste entre Carrère et l'un des personnages de son bouquin. Pfiou ça me rappelle que j'ai des "articles" en retard (eh oui car du coup j'ai aussi lu un bouquin de ce type)...
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C
Depuis que j'avais lu ton commentaire et lu des critiques très positives, j'attendais avec impatience que Limonov apparaisse dans les rayons de la bibliothèque de l'Institut Français. Chose faite un an plus tard...Comme plongée dans un véritable roman d'aventures, je me suis totalement laissée emporter par la vie du héros et j'ai souvent oublié au cours de ma lecture qu'il s'agissait d'une personne réelle tant son destin me paraissait incroyable. De plus je suis totalement d'accord avec toi: l'histoire de ce personnage si ambigu étant indémêlable de celle de son pays et de l'Histoire , certains passages sont réellement passionnants. Petite question: votre voyage à Moscou n'a-t-il pas été en partie influencé par cette lecture? ;)
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Y
Carrère a eu la médaille d'argent, quoi...<br /> L'autre prix que je suis, c'est celui du livre Inter. Ne peuvent être sélectionnés que les livres qui n'ont pas reçu de prix et le jury est composé d'anonymes ayant postulé par lettre de motivation (je rêve d'en faire partie sans jamais avoir concouru bien sûr).
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M
Tu n'étais pas si loin finalement pour Carrère, tu t'es juste trompée de prix !
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Y
J'ai bien fait de ne pas choisir "médium" comme profession moi tiens!
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