# 54 Les âmes fortes, Jean Giono
Je n'avais jamais lu Jean Giono (sauf je crois quelques extraits au cours de mes études) et je l'ai découvert de façon on ne peut plus fortuite. J'adore déambuler entre les rayonnages de la médiathèque, au hasard je sors un livre, si le format/ la couverture/ le nom de l'auteur... me donne envie, alors je lis la 4ème de couverture ou la première page. Le plus souvent je repose le livre et je recommence plus loin.
Ce jour là ma fille de 2 ans et demi (en vrai elle a 3 ans lundi) m'accompagne et m'imite (c'est son activité favorite du moment). Elle tire:
Et elle me dit: "moi je veux zelui-là".
Le fait que le visage d'une femme pas moche soit en couverture a fortement aidé son choix, je vous rassure de suite les histoires du soir sont toujours Le loup qui voulait changer de couleur et autres Canari qui fait pipi au nid. Comme cela m'a fait rire (en vrai elle ne voulait pas lacher le bouquin et j'ai préféré évité les hurlements, déjà qu'on doit leur rendre depuis 3 mois le livre sur les chats et l'imagier de la maison...), me voilà avec un roman complètement nouveau pour moi!
Entre nous, pour une personne venant du Sud et ayant fait ses études à Aix, je trouve que découvrir Giono à mon âge c'est quand même un peu la honte.
Il y a un peu de Zola, un zeste de Madame Bovary (Mme Numance), et quelques grammes de Mauriac: est-ce de par l'ambiance provinciale ou le prénom du personnage principal qui me rappelle Thérèse Desqueroux? Quoiqu'il en soit, dans une l'atmosphère rurale très efficacement posée, une conversation entre femmes venues pour une veillée mortuaire se recentre progressivement sur la vie d'une des interlocutrices, Thérèse. Le procédé narratif utilisé relève de l'exercice de haute voltige: une même histoire vue sous deux angles (racontée par l'héroine puis par une des femmes) et est poursuivie dans une 3ème version, encore différente des 2 précédentes! Assez destabilisant, mais intellectuellement très intéressant: la deuxième version censée être une rumeur ou tout au plus un récit rapporté est bien trop précis pour qu'on ne décèle pas une sorte de schizophrénie de Thérèse! Jean Giono ne nous épargne aucun travers de l'être humain que ce soit dans la brutalité du personnage de Firmin ou dans la perversité de celui deThérèse, tour à tour jeune fille naïve, victime puis démon. Quant aux pauvres Numance, couple de bourgeois provinciaux, ils semblent tellement bons qu'ils en deviennent ridicules.
J'ai été particulièrement séduite par l'écriture de Giono dont la maitrise s'exprime jusque dans la subtilité et le dosage du language parlé et argotique.