# 322 Broadway, Fabrice Caro

Après la joyeuse surprise de son premier roman Le discours, j'étais très impatiente de lire à nouveau Fabrice Caro et de retrouver son humour absurde, décalé et tellement efficace. En plus Olivia de Lamberterie l'a immédiatement recommandé au Masque et la Plume alors que je venais juste de me marrer en lisant sa BD Zaï, Zaï, Zaï, Zaï : tout cela m'a donné une bonne excuse pour me précipiter dès le samedi de sa parution chez mon libraire préféré. 

J'ouvre donc le bal de la rentrée littéraire (qui s'annonce sous de bons auspices puisqu'elle marque le retour de deux auteurs que j'aime beaucoup: Emmanuel Carrère et Eric Reinhardt) et les pronostics des prix saisonniers avec Broadway publié chez Gallimard dans la récente collection colorée Sygne. Oh, rien de complètement fou-fou coté look, mais enfin à côté de leur très sobre collection Blanche qui influença toute l'édition française vers des couvertures épurées, c'est quand même notable. 

Dès les première pages, j'ai su que je l'offrirai à A. (oui, oui, rappelez-vous, mon ami qui a affronté le Centre Bulgare!). A. est l'archétype de la réussite: super job avec le salaire qui va avec, une famille Ricoré dans l'ouest parisien avec une maison secondaire dans le Perche et même le Golden-Retriever-plus-choupi-tu-meurs. Notre relation nous est précieuse, nous avons réussi au fil des années à préserver une sincérité qui doit beaucoup au fait que nous ne connaissons pas le cercle social de l'autre, de sorte qu'il n'y a pas de faux-semblants entre nous. A chaque fois que l'on se voit ou lors de nos échanges par mail, il a toujours ce trait d'autodérision, sans tomber dans l'apitoiement, sur les petits compromis du quotidien avec une prise de recul et d'indulgence sur des situations somme toute très banales... 

Eh bien voilà, c'est exactement le sujet du roman de Fabrice Caro dont le narrateur, Axel, 46 ans, nous fait part de ses réflexions intérieures face à toutes ces injustices contre lesquelles on ne se rebelle jamais: le courrier du contrôle colorectal qui arrive par erreur quatre ans en avance, les apéros imposés avec les voisins, la discussion érotico-éducative avec son adolescent, les vacances avec les amis de sa femme...

Ce récit pourrait être une série de scénettes "sarcastiscomiques" et ce serait déjà très bien. Mais sous une plume alerte et un sens très affuté du comique de situation, l'air de rien Fabrice Caro nous fait entendre cette petite musique de la tentation de la fuite face aux trahisons des promesses de la vie, à la difficulté de ne pas souscrire au monde de la performance et de l'apparence, au sentiment parfois tenace de ne pas être à sa place. Les petites concessions que l'on fait aux autres au risque de se perdre soi...

Je ne résiste pas au plaisir de partager avec vous l'avis de A. sur cette lecture:

"Quel soulagement de voir que je ne suis plus seul dans ce bas monde à me confronter à ces épineux problèmes à côté desquels la faim dans le monde ou une épidémie de coronarovirus sont des sujets insignifiants . Enfin la reconnaissance littéraire d’un genre mineur qui accapare pourtant notre vie : le passage à la cinquantaine d’un mec banal ....

Bref j’ai adoré ce livre que tu m’as tendu comme un double miroir de ma vie (...). Je peux donc l’affirmer en toute modestie et me dévoiler à présent :

#jesuisFabriceCaro"

Je termine ce post avec quelques recommandations pour accompagner cette lecture:

Pour découvrir l'auteur: https://www.franceculture.fr/emissions/affaires-culturelles/fabrice-caro-un-auteur-a-lhumour-dejante

Pour aller plus loin dans la prise de conscience, un article que j'ai classé depuis longtemps dans mes favoris et que je relis régulièrement: https://www.lemonde.fr/festival/article/2017/08/07/la-pression-sociale-nous-coupe-de-nous-meme_5169471_4415198.html

Et enfin, j'ai vu ce week-end le film The Climb un petit bijou de fantaisie auquel on pardonne les clichés français tant il manie lui aussi avec subtilité et légèreté le sujet plus profond de notre aptitude au bonheur...

Et en bonus, un extrait sur l'importance de préserver notre couleur bleue:

Comments

[MarieSouricette]

FabCaro a, dans ses romans graphiques et ses romans, cet humour teinté d un fond de vérité qui nous porte finalement a rire de nous memes! J'ai du coup prefere le discours a celui ci, où je me suis moins reconnue , mais je l'ai quand meme apprecie et je pense que c est vraiment un chouette cadeau d anniversaire pour dedramatiser!

[Andouillette -1]

Promis, dès que je reçois l’enveloppe bleu colorectal, je t’appelle !

Et pardon à tes lecteurs d’avoir fait passer cet excellent blog d’un haut niveau littéraire à un niveau bassement scatologique...😉

[AAAA]

Encore un grand merci pour ce super bouquin : grâce à lui et à ton blog, la gloire arrive enfin ...

et je vois qu’avec le qualificatif d’Archetype j’ai gagné un A de plus ... encore un de plus et je fais mon entrée au Panthéon des andouillettes😁

AAAA.