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25 septembre 2020

# 326 Yoga, Emmanuel Carrère

Et voici donc ma quatrième lecture de la rentrée littéraire 2020! 

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Lorsque je cite la liste de mes auteurs contemporains préférés, Emmanuel Carrère vient en premier. Il coche toutes les cases: La Russie (que l'on retrouve notamment dans ses excellents ouvrages Un roman russe et Limonov), sa capacité à donner à une introspection intime un retentissement universel et une écriture réjouissante, à la fois érudite et drôle. Je retrouve aussi dans chacun de ses écrits un travail de narration très novateur, une autofiction psychologique, philosophique et romanesque.

Yoga, c'est avant tout un récit : celui d'un écrivain qui décide d'écrire un livre sur une pratique méditative ancrée depuis des années chez lui. Avec l'effet de mode actuel autour du yoga, ça pourrait bien lui assurer à peu de frais le succès... C'est donc avec une auto-suffisance ironique et surtout a posteriori bien optimiste qu'Emmanuel Carrère se rend à un stage de méditation.

Sauf qu'au lieu de faire du yoga, obsédé par son futur best-seller, il se regarde le pratiquer.

Sauf qu'au lieu de respecter l'engagement de durée, il va être extradé du groupe.

La machine s'enraye et du sommet il chute en enfer: diagnostiqué bipolaire suite à une dépression sévère, tout explose dans sa vie, à commencer par son couple. 

On peut bien sûr s'interroger sur l'absence du récit de la rupture. Je suis partagée : je suis certaine que j'aurais eu beaucoup à apprendre à lire les mots d'Emmanuel Carrère sur sa sortie du mensonge, une expérience à la fois extrêmement douloureuse car il faut s'avouer que l'on s'est avant tout trahi soi-même et libératrice puisque c'est le seul moyen de se sortir de cette trahison.

Mais dans Yoga, finalement, ce qui est intéressant c'est justement tout ce que les mots ne peuvent pas dire: parfois le silence représente bien mieux la faille sismique (positive ou négative d’ailleurs) que l’on éprouve face à un changement. En ce sens la narration, quelle ait été guidée par le choix de l'auteur ou par l'exigence des avocats, est intéressante: est-ce que la transition entre la période où l'auteur se leurre dans sa pratique du Yoga et l’hospitalisation en établissement psychiatrique, ce saut de l'une à l'autre phase de sa vie ne dit-il pas bien plus que des phrases l'effondrement subi par le narrateur?

Entre illusion et vérité, entre prétendre et être, Emmanuel Carrère nous parle à travers son cheminement personnel de l'exercice périlleux de l'intégrité.

En refermant ce livre, je me suis demandée pourquoi il m'avait touchée. La réponse se trouve probablement dans ce mot d'intégrité et de ce petit vélo du questionnement permanent de soi, de ce que cela dit d'une insécurité affective ; dans la lucidité d’Emmanuel Carrère aussi sur le désarroi profond qui le saisit soudain, son besoin de solitude mais aussi celui de se confronter à d'autres vies que la sienne. 

Les lectures de cet auteur m'accompagnent depuis dix ans, c'est le second post de ce blog et je pourrais écrire mot pour mot ce que j'avais alors dit D’autres vies que la mienne :

[j'ai ressenti une sorte d'invite à l'indulgence envers soi-même, pour découvrir ce qui nous est vraiment précieux. Cette lecture pousse vraiment à l'introspection, mais de manière positive et non pas narcissique.]

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Commentaires
M
Je me doute que tu as déjà lu cet article mais au cas ou : https://www.lemonde.fr/culture/article/2020/10/02/controverse-autour-du-livre-d-emmanuel-carrere-yoga_6054576_3246.html<br /> <br /> Ça explique le pourquoi de l'absence du récit de la rupture.
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