# 379 Naufrages, Miguel Bonnefoy
Vous savez, quand tout va bien, il m'est difficile d'écrire, même une simple chronique littéraire. Probablement parce qu'on voudrait y mettre un peu plus mais qu'on est tiraillé entre l'indécence et l'impermanence de ces moments de grâce, comme si avouer que tout n'est pas parfait mais que c'est parfait pour nous porterait un peu malchance -"pour vivre heureux vivons cachés". Et quand j'utilise le pronom indéfini à la place du "je" c'est que ma pudeur me dit déjà que "j' on" en a déjà trop révélé!
Je voulais lire Naufrages depuis quelques temps quand il m'a appelée sur le petit présentoir d'une librairie proche de mon travail : oui, les livres sont comme les chats, seules certaines personnes peuvent entendre leur voix qui susurre inlassablement "fais-moi une place 🎶" (Julien Clerc, sors de ce corps!). C'est une édition "poche", je n'ai pas pu résister.
Sept nouvelles revisitent les naufrages de héros mythologiques ou littéraires sous de nouvelles perspectives et nous interrogent sur le parti pris dans les récits. On peut y voir une mise en garde politique mais je choisis surtout de retenir de cette lecture le brillant exercice littéraire sur l'importance narrative du point de vue. L'écriture de Miguel Bonnefoy marque par son style soutenu et ciselé créant un heureux contraste avec la modernité du propos. Ces textes écrits avant la publication de son premier roman Le voyage d'Octavio préfigurent le talent et la qualité de l'œuvre de ce jeune auteur.