# 403 La Fin de l'homme rouge - ou le temps du désenchantement, Svetlana Alexievitch, Trad. Sophie Benech
Tatiana m'a prêté ce livre il y a fort longtemps mais je n'avais pas encore eu le courage de m'y plonger dedans - il fait presque 700 pages. Mon voyage d'un mois en Europe Centrale m'a permis de le lire puisque c'est le seul livre papier que j'ai emporté (même si en réalité j'en ai aussi lu d'autres sur la liseuse d'Emma).
Svetlana Alexievitch emprunte au journalisme (son métier) la technique de l'interview : La fin de l'homme rouge est un assemblage de témoignages recueillis sur le territoire de l'ex-URSS. Elle s'intéresse à la petite histoire de chacun dans une grande Histoire que l'on connait tous. Chaque texte est d'une profondeur saisissante, elle sonde l'humanité et son contraire à travers des expériences très différentes, sans jamais porter de jugement, mais avec un fil conducteur: toutes les personnes qui se confient ont en commun d'avoir été élevées dans l'ère soviétique et d'avoir vécu l'effondrement soudain pas uniquement d'un système politique mais de l'ensemble des valeurs qui étaient les fondations de leur éducation. Il n'est pas question ici de nostalgie de l'URSS - chacun ayant vécu le drame des privations de libertés, le retour en arrière n'est pas une option - mais plutôt d'un déracinement culturel violent. Ce sont des exilés en leur propre pays.
Lire ces récits publiés il y a presque une décennie dans cette période de guerre en Ukraine et tout en traversant la frontière ouest de l'ex-URSS a sans doute exacerbé ma sensibilité. La littérature montre ici son pouvoir de nous aider à mieux nous connaître et je perçois à travers la façon dont cette lecture m'a bouleversée qu'il y a là, cachée entre ces lignes, une explication de mon attirance pour ce territoire.
Un des textes qui m'a le plus marquée est celui des amis d'Igor, un collégien de 14 ans qui s'est donné la mort et qui se termine ainsi:
"Vous avez compris? Je vous ai parlé d'Igor... De notre génération perdue, avec une enfance communiste et une vie capitaliste. Je déteste les guitares! Si vous voulez, je peux vous faire cadeau de la mienne..."
Cette édition est enrichie du discours de Stockholm prononcé par l'auteur lors de la remise du prix Nobel de littérature en 2015.
Pour découvrir Svetlana Alexievitch, je vous conseille l'émission Boomerang et vous pouvez écouter quelques uns de ces récits lus dans l'émission de France Culture.