# 446 Et vous passerez comme des vents fous, Clara Arnaud

Offert Laëtitia pour mon anniversaire sur les conseils de mon ami libraire Philippe, Et vous passerez comme des vents fous faisait également partie de la sélection du Prix PIAF qu'il organise tous les ans avec le réseau des médiathèques Grand-Orly-Seine-Bièvres. Le principe est simple: des lecteurs viennent donner leur avis en duo sur une quinzaine de livres de la rentrée littéraire et les auditeurs qui n'ont pas forcément lu ces romans doivent les départager pour choisir les trois romans de la categorie "talents à découvrir" qui concourront pour le prix Piaf.

Parmi les orateurs, il y a trois catégories : les décontractés, les profs et les angoissés, ce qui donne lieu à des prestations très différentes, certains ayant préparé 3 pages d'argumentation qu'ils lisent consciencieusement... Et soudain, surgit de nulle part, un trait d'humour, une remarque spontanée, une mimique dubitative: la salle rit, on se penche vers son voisin, on lève la main comme à l'ecole pour ajouter son grain de sel. J'observe la petite assemblée avec une infinie reconnaissance : il existe encore des personnes qui se réunissent un vendredi soir dans une salle communale pour écouter et échanger sur la littérature et ça me touche infiniment.

Je suspecte Philippe de me faire intervenir sur les romans qu'il veut voir sélectionnés par le public: ce n'est absolument pas prétentieux de ma part, c'est juste que c'est mon travail au quotidien que de fédérer des gens de profils très différents autour d'un projet souvent obscur pour eux. Mais je dois dire que j'attends toujours les votes avec un peu de fébrilité car je cherche aussi à être rassurée sur ma capacité à un jour, peut-être, faire de cette passion mon métier. L'avantage aussi, c'est qu'il me fait toujours lire de super romans vers lesquels je ne serais pas allée spontanément et celui-ci ne déroge pas à la règle.

Dans Et vous passerez comme des vents fous, un berger retourne en estive malgré le drame de l'an passé et une ethologue met sa carrière en danger pour expérimenter une nouvelle approche de l'observation de l'ours, cette bête qui fascine depuis toujours et divise désormais le village. 

Paradoxalement, plus on entre dans le temps long et l'isolement, plus le récit prend du rythme et de l'ampleur- à moins que notre cerveau ne s'accorde lui aussi au fil de la lecture avec la nature? La véritable trouvaille de l'auteur est d'intercaler la narration de courts chapitres sur l'histoire d'un montreur d'ours du 19ème siècle : on évite ainsi l'écueil simpliste du "c'était mieux avant" pour se questionner sur le désir constant de l'homme d'asservir le vivant.

Personnellement cette lecture avait d'autant plus de saveur que j'ai croisé cet été des ours à trois reprises dans les Catskills et j'ai ressenti exactement ce mélange de peur et de fascination à chaque apparition surprise de l'animal!