#08 Le siècle des nuages, Philippe Forest
Je reste perplexe devant ce roman de la rentrée littéraire qui retrace à la fois la vie du père de l’auteur, pilote de ligne, et l’épopée de l’aviation au cours du 20ème siècle.
La critique extrêmement élogieuse dans Lire (septembre 2010) et la référence à « pilote de guerre » en fin d'article ont suffit à me convaincre d’acheter ce roman, d’autant que depuis toute petite les avions de chasse me fascinent.
C’était plutôt bien parti : dès la première page, une citation d’Apollinaire, qui donne aussi le titre au roman. Et puis quelques pages plus loin, une citation d’Homère. Une écriture soignée, précise.
Oui mais voilà, à mon avis l’auteur a créé une S.P.A. pour tous les participes présents. Ou alors c’est un pari. Ou un toc. Je ne sais pas, mais une chose est sure, il a dû trouver que les participes présents rimaient super bien avec les adverbes. Résultat : des assonances en [en] et [an] qui entraînent le lecteur dans une sorte de ronronnement et de torpeur :
Vivant alors un moment historique dont on ne devrait pas manquer de souligner la solennité et comment, au garde à vous dans leur tête, ils ont reçu ce discours à la manière d’un martial message d’espoir portant en lui la promesse d’une revanche prise par le pays sur l’adversité et le serment de la grandeur nationale retrouvée. Une telle vision de l’évènement n’étant possible que pour qui sait comment la guerre se terminera quatre ans plus tard, ce qu’eux bien sûr ignoraient alors. La vérité étant que ces propos qu’on leur tient, ils y prêtent à peine attention, se demandant : qui est ce général de Gaulle ? et vraisemblablement : de quoi se mêle-t-il ? Ayant sur la question des avis aussitôt partagés mais se gardant bien de les exprimer.
L’autre gros point négatif (me concernant), c’est l’usage abusif des formules du style « Ou bien : », « ou plutôt : », « ou encore : » qui permettent à l ‘auteur de donner plusieurs alternatives. On comprend bien qu’il n’a pas connu son père avec assez d’intimité pour décrire son parcours avec certitude, et il évite ainsi tout parti pris. En tant que lecteur, on se retrouve au final avec une impression de ne pas avoir vraiment saisi ce personnage, ce qui est sûrement volontaire et reflète la propre impuissance de l’auteur lui-même à savoir qui il était.
Alors pourquoi suis-je restée "perplexe" ?
Parce que malgré ces "tics" d'écriture, à la fin du livre, mon impression d’ensemble est positive. La grande dextérité dont l’auteur fait preuve pour entremêler l’histoire de l’aviation à la biographie de son père, le niveau littéraire et les connaissances précises sur l’histoire de l’aviation en font un livre certes difficile d’accès mais intéressant.
Cet homme, finalement, pourrait être n'importe lequel d'entre nous, traversant et participant de ce fait à l'Histoire, mais dont le chemin a été tracé par le hasard des rencontres plus que par des choix murement réfléchis.