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Rallumer les étoiles
9 décembre 2019

Chocotrail

Hier j’ai couru le chocotrail pour la 4ème année consécutive. J’ai espéré un temps clair mais comme lors des 2 éditions précédentes il pleuvait : j’ai glissé, j’ai chuté, je me suis relevée et j’étais heureuse de le terminer pour apporter ma petite pierre à l’édifice de la lutte contre la si cruelle maladie de Charcot. C’est cet objectif qui est la raison de mon inscription en dépit de l’absence de Soeurette, qui ne l’est jamais vraiment de toutes façons : dans chaque montée je pensais à son mantra lorsqu’elle est à mes côtés : « tu es grande, tu es belle, tu regardes en haut !» (=> n'est-ce pas le plus beau message, applicable tout le temps, que de se sentir beau et grand quand on regarde en haut plutôt que le bout de ses pieds ?).

Mais aujourd’hui je ne veux pas vous parler de course à pied. Car ma réelle motivation, celle qui a fait que je n’ai pas vu passer ces 24 kilomètres, ou plutôt qu'à chaque kilomètre je mesurais ma chance de courir dans la boue et contre le vent est née une demi-heure plus tôt.

Je roule sur l’A12, il est 8h20, j’écoute en souriant Grace de Feu! Chatterton et je songe qu’il pleut fort et que le soleil ne s’est pas encore levé.
Soudain, au loin des dizaines de gyrophares.
La voie de gauche est neutralisée mais il n’y a pas encore de ralentissement de la circulation (je comprends ainsi que ça vient d'arriver) de sorte qu'à peine quelques secondes se sont écoulées entre ma douce rêverie et l'horreur totale.
De nombreux camions de pompier pas encore dirigés vers les hopitaux, la police, des bâches. Et quatre voitures aux parebrises fracassés, aux capots à l’horizontal ou en accordéon.
Je ne regarde pas, cela s’impose sous mes yeux, l’urgence n’est pas à isoler la scène.
Comme toujours quand je suis face à cette situation un froid glacial me pénètre jusque dans mes os. Je sens véritablement l’intérieur de mon squelette se geler.
Je lutte mais c'est un combat perdu d'avance, je ne peux pas m’empêcher d’imaginer. Est-ce un sms qu’on a voulu lire, un changement de playlist, une vitesse un peu trop élevée sous la pluie battante ? Quel est ce geste anodin qu’il nous arrive tous de faire qui a provoqué ce drame ?

Et ensuite : qui va recevoir cet appel que j’ai eu il y a 20 ans, celui qui va figer dans cette décennie les jours heureux et insouciants ? Je pense à ce noël endeuillé, le sapin qu'on allumera pas,la nouvelle année qui ne sera pas fêtée, l'anniversaire qui poignarde.
Et depuis que j’ai Emma : et si j’avais été là trois minutes plus tôt, si je n’étais pas remontée chercher mon thermos, si je n'avais fait ce geste qui a retardé mon départ de quelques minutes justement? Non pas que je tienne à ma vie de façon narcissique. Simplement je ne veux pas qu’Emma ou Marie ou toi qui tiens à moi reçoive cet appel à mon sujet un jour. Je ne veux pas que vous ayez vous aussi froid à l’intérieur des os.
Et enfin : je ne saurai jamais ce qui s’est réellement passé pour les occupants concernés ni ce qu’il est advenu d’eux. Mais ce que je sais c’est qu’on ne dit pas assez, par pudeur ou par oubli, à ceux qu’on aime combien ils sont importants pour nous. La seule chose que l’on peut faire c’est se tourner vers celui ou celle qui est à côté de nous, pousser la porte de la chambre de nos enfants et leur dire qu’on les aime. Ce n’est pas une promesse, c’est l’instant présent. Ce que l’on peut faire c’est envoyer ce message qu’on garde par fierté, en se disant "peut-être demain":
Je pense à toi.

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