De la danse: Polina de Bastien Vivès, Emma et Capucine de Lena Sayaphoum et Jérôme Hamon, Éléphant Paname
Il y a longtemps que je veux vous parler du très beau roman graphique Polina emprunté à la bibliothèque et découvert presque seule grâce à un article du Monde sur un film qui s'en inspirait. Le dessin en noir, gris et blanc de Bastien Vivès donne la légèreté et la poésie qui convient au thème de la danse, tout en ayant un propos qui dépasse cet univers. A travers l'histoire de Polina, il raconte ce moment si particulier où la danseuse russe se heurte au choix intime de rester fidèle à l'ambition de son professeur ou de suivre sa propre voie, rendant son propos assez universel pour nous toucher.
Je vous signale aussi la jolie BD Emma et Capucine, première réalisation de Lena Sayaphoum. Si j'ai d'abord été attirée par le dessin qui dénote par sa maturité dans l'univers jeunesse, j'ai aussi été séduite par le propos, là encore moins léger que ce qu'on trouve habituellement dans ce rayon: la pression parentale, surmonter ses échecs... Une série qui peut aussi être utile aux parents, en tout cas me concernant j'y ai trouvé une résonance avec les dilemmes que je peux avoir sur la notion d'apprentissage de l'effort. Un bel écho à la série 20, allée de la Danse que je lis toujours assidûment avec Emma.
L'idée de faire de la danse classique fait son chemin depuis plusieurs mois. Je n'ai franchi le cap, ou plutôt une passerelle - que cet automne. Pour rejoindre les studios de danse d'Éléphant Paname il faut en effet emprunter un pont poétique entre deux bâtiments. Et pas n'importe quel bâtiment: un édifice construit au XIXème siècle par l'ambassadeur de Russie... Il n'y a décidément pas de hasard, il n'y a que des rendez-vous, mon cher Eluard vous aviez raison. Le projet architectural est très réussi, mettant en valeur à la fois le style baroque historique (pour la petite histoire il a fallu par exemple créer des barres de danse volantes pour préserver la structure du bâtiment) et l'ambition artistique d'aujourd'hui: la restauration du dôme est splendide.
A la fois espace dédié à la danse et centre d'art, né de l'alliance des passions respectives de Fanny et Laurent Fiat, Eléphant Paname propose des expositions temporaires, des conférences, des spectacles et évidemment des cours de danse. J'ai choisi celui de danse classique le week-end, mais il y a pléthore de styles et d'horaires (du yoga au stage de chorégraphie de Beyoncé!). Le modèle économique est simple: ce sont les professeurs qui louent les studios et monnayent leurs cours, on peut donc choisir de le faire accompagné d'un piano par exemple et sélectionner le professeur adapté à ce que l'on recherche. L'autre option possible, c'est de louer soi-même le studio pour un cours particulier, seul(e) ou à plusieurs.
La danse me ramène à l'écriture: des pleins, des déliés, effacer, réécrire, refaire. La rigueur. L'urgence et la patience aussi.
La danse et encore le si joli texte de Christophe Ono-Dit-Biot qui se rappelle à moi.
Dans le studio de danse, le regard sur son corps est incontournable. Et le professeur ne cesse de nous le répéter: "Regardez vous! Le miroir! Levez la tête, regardez votre corps! Souriez-vous!" Souriez-vous... Je comprends à cet instant pourquoi je ne commence la danse qu’aujourd’hui.
A la barre ou en effectuant nos sauts de chat, on n'échappe pas à notre reflet.
"On s'élève! Plus haut!" (Elle est du genre sévère, presque un cliché, j'adore! « On dirait Martine fait de la danse, il ne te manque que le tutu » m'a dit un ami alors que je lui racontais cette expérimentation).
La pointe des pieds, la nuque, la main, c'est tout le corps qui dessine dans l'air, au rythme du piano, le dessin imparfait de notre poésie intérieure.